Au moins tu as appris à voler ► Damon et Rika

Si cette ville était une aberration pure et simple, elle avait le mérite d’avoir un bon petit resto. En effet, dans ce décor feutré et familial, Rika avait découvert la pizza. Bah vaut mieux tard que jamais non ? En tout cas, elle ne s’attendait pas du tout à autant aimer cette pâte épaisse et toute cette garniture. Bien qu’étant une vampire, elle n’avait pas réussit à manger plus du quart du plat. Elle mangeait tellement peu souvent que son estomac était bien vite remplis. En tout cas, ce soir elle avait décidé de remettre le couvert pour reprendre un quart de pizza nordique, bah oui on ne change pas les bonnes habitudes. Pour rester classe, elle avait réservée une table pour une personne et à l’écart car le restaurant avait un grand défaut, son public médiocre. Entre les enfants qui braillent, les couples qui échangent leurs fluides, les idiots au téléphone et les bande de jeunes qui parlent en hurlant, ça en devenait presque infernal pour une femme dans son genre. Pour ce soir elle était vêtue d’un haut gris anthracite fermé jusqu’au cou et d’une jupe crayon noire. Ses cheveux blonds étaient attachés en un chignon complexe d’où s’échappaient quelques mèches. Niveau bijoux, elle avait une paire de boucles noires et une bague en diamant, sa préférée.

L’ambiance à cette heure-ci était toujours aussi bruyante, restaurant familial qu’ils appellent ça. Sa table était prête et une fois assise, elle jeta cette immonde rose à moitié fanée qui trônait au milieu de la table. Elle détaille le menu avec moins d’attention que la première fois, sachant déjà plus ou moins ce qui lui ferait plaisir. Rika leva donc les yeux pour héler cet idiot de serveur avant de remarquer un regard qui pesait sur elle. Le type assis tout seul quelques tables plus loin la regardait avec un sourire. En temps normal elle l’aurait bien ignoré avec toute la classe qu’elle avait sauf que cet énergumène, elle le connaissait. Sa réaction fut donc très surprenant quand on savait toute l’élégance et le raffinement dont elle pouvait faire preuve. La jeune femme redressa le menu en carton devant elle pour se cacher et glissa lentement le long de sa chaise comme pour disparaître ou essayer de se sauver assez rapidement. Avait-elle peur ? Pas vraiment. Avait-elle peur de se faire emmerde ? Totalement. Parmi tous les gens de cette damnée planète il fallait qu’elle tombe sur ce gars dans cette petite ville paumée.

D’où le connaissait-t-elle ? De Norvège. De quand ? A peu près cinquante ans. Qu’est-ce qui s’était passé ? Lors d’un hiver particulièrement rude, la nostalgie avait envahie la vampire qui pensait à la saison qu’elle avait passée en compagnie d’un être charmant, Kol Mikaelson. Donc, quand elle avait rencontré un autre vampire, elle lui offrit le gite et le couvert dans son village de pantins, espérant pouvoir de nouveau profiter d’une agréable compagnie. Ce vampire était assez jeune comparé à elle et s’appelait Damon Salvatore, il était, comme Kol, issu du nouveau monde et rien ne laissait prévoir ce qui allait se passer. Rika, toujours aussi frigide et misanthrope n’avait pas du tout apprécié l’attitude séductrice de son cadet. Bien qu’elle ait cinq fois son âge, il avait été très … insistant. Sans doute n’avait-elle pas été assez claire en lui précisant qu’il l’intéressait autant qu’un rat mort. Du coup, un soir, elle fut réveillée par une masse chaude qui se pressait contre elle. Lorsque ses yeux s’ouvrirent et qu’elle vit le visage souriant de l’autre satyre, ils exprimèrent toute la surprise du monde alors qu’un cri strident s’échappa de sa bouche. La colère brûla ensuite dans ses yeux bleus et déforma les traits de son visage. Il fallut moins de dix secondes pour qu’elle se lève, constate que cet abruti était en caleçon dans son lit alors qu’elle n’avait qu’une nuisette de dentelles. Dix secondes supplémentaires furent nécessaires pour qu’elle le traîne par les pieds de l’autre côté de la pièce pour lui apprendre à voler par la fenêtre fermée. Il y eut donc des protestations, un bruit de verre brisé, le son presque comique d’une chute et le bruit étouffé d’un corps en caleçon qui atterrissait deux mètres plus bas dans cinquante centimètres de poudreuse en pleine nuit alors que la température ne devait pas excéder les moins dix degrés Celsius. Personne ne sut jamais si ce fut son âge avancé ou sa simple colère qui lui avait permis de se débarrasser ainsi d'un homme adulte qui devait bien peser trente kilos de plus qu'elle. De rage, elle jeta toutes ses affaires au feu avant de verrouiller complètement son manoir, y compris la pièce où la fenêtre était brisée. Elle ne s’endormit pas du reste de la nuit, veillant bien à ce que le malotru ne tente pas de revenir et le lit souillé fut brûlé le lendemain.

Et voilà que cinquante ans plus tard, ils se revoyaient dans ce minable petit restaurant de cette minable petite ville. Lorsqu’elle leva les yeux de son menu, quasiment disparue sous la table elle constata que Damon était désormais assis en face d’elle. Condamnée, elle se redressa, se rasseyant complètement dans sa chaise, le dos droit, son regard hivernal fixé sur son invité non désiré.

« Qu’est-ce que tu veux ? Si c'est pour une autre douche froide, il ne neige pas assez »

La question qu’elle se posait surtout c’était comment il avait réussit à s’en sortir dans les conditions de leur dernière rencontre.

Bon Dieu, qu’elle détestait cet homme. Il représentait à lui seul tout ce qu’elle méprisait chez l’autre sexe et même à la puissance dix. Pourquoi fallait-il qu’il vienne ainsi gâcher sa soirée. En fait, non, pourquoi fallait-il qu’il existe ? Il aurait pu tout simplement avoir la décence de rester geler en Norvège, que les scientifiques le prennent pour le chaînon manquant et le dissèque et basta. Bien sûr, en espérant de telles choses, Rika ignorait qu’il eut été un jour sujet de l’Augustine.

Elle soupira lorsqu’il mit une main sur son cœur du’n geste théâtral. Personne n’était dupe et encore moins elle.

« Quoi ? Tout de suite des menaces ! Moi qui était tellement ravi de revoir un ancien visage et qui venait simplement demander des nouvelles en tout bien ton honneur ! »

L’honneur était un concept dont il ne devait connaître que l’orthographe. Elle se doutait même qu’il essaierait de se venger. Sauf qu’elle était plus vieille et trop caractérielle pour ça bien que le nombre de témoins était gênant. Il lui vint alors à l’idée de lui renverser « accidentellement » une bouteille de vin dessus avant d’également faire tomber, dans un concours de circonstances complètement indépendantes de sa volonté, une bougie sur lui. Voilà qui devrait faire un joli brasero et relativement réchauffer l’ambiance. Est-ce que des vampires étaient déjà morts de façon aussi stupide ? C’était une bonne question.

« Dis-moi ma belle blonde, comment vas-tu depuis le temps ? »

Son grand sourire la dégoûta et elle n’en laissa rien paraître, gardant cet air froid et ce regard méprisant, duo qui lui allait si bien. La réponse ne se laissa pas désirer :

« On va commencer par les politesses, appelle-moi encore comme ça et je te casse un bras. Ensuite, retourne donc vaquer à tes occupations et laisse moi en paix. Je ne me rappelle pas t’avoir invité »

Le serveur arriva à ce moment là, demandant bien poliment

« Est-ce que ces messieurs dames ont choisi ? »

« Une pizza nordique pour moi avec une orange pressée et pour le monsieur, faites-le disparaître »

La formulation était peut-être un peu cru mais bon, entre vampires, ça passait n’est-ce pas ?