LLa journée était longue pour les médecins de l’hôpital de la ville. C’était une épidémie de grippe dans tout le pays et, la majorité humaine de Mystic Falls était touchée. La salle d’attente était remplie de gosses au nez rouge qui pleurnichaient ou d’adultes qui toussaient. De plus, avec la neige qui était tombée, les pigeons du coin avaient trouvé ça drôle de faire les malins pour prendre des vidéos et finissaient aux urgences avec des plâtres. Même dans le cabinet privé de Maxwell les gens se bousculaient, principalement des jeunes mères toutes pomponnées avec leur enfant malade. C’était quand même … particulier d’essayer de draguer un médecin en arborant son mioche bavant et toussant.

Ce que Maxwell n’appréciait pas du tout dans cette situation c’était le très haut risque de contamination. Un médecin malade, quelle ironie. Sans compter qu’il avait du travail en dehors de sa pratique humaine de la médecine et qu’il était très assidu à ses heures de sport. Rester coincé au lit avec de la fièvre et un paquet de Kleenex n’était donc pas du tout envisageable. Néanmoins, il devait bien mener sa mission médicale et voyait défiler des patients depuis ce matin. Les pires étaient vraiment les enfants qui pleurnichaient et posaient des questions du genre « est-ce que je vais mourir ? » ou « mais du coup demain je ne vais pas à l’école ? » en toussotant un bon coup. Bon Dieu que ces mioches pouvaient être pénibles.

Il fut donc relativement satisfait de voir que sa prochaine patiente avait plus de dix ans. Elle devait être toute proche de la vingtaine même si son visage gardait quelques rondeurs d’enfant qui lui conférait un charme innocent. Alors qu’il se lavait les mains pour la sixième fois de la matinée, il l’invita à s’asseoir avant de la rejoindre de l’autre côté du bureau. La jeune fille avait le bout du nez rouge sans doute  force de se moucher. Alors qu’il s’enfonçait un peu plus dans son siège avec un sourire en coin il demanda :

« Alors, une j’imagine que c’est aussi une bonne grippe mademoiselle … Hopkins », ajouta-t-il après un regard à son dossier médical.

Lorsqu’il tourna la page de garde, il ne trouva … rien. C’était la première fois qu’elle venait dans cet hôpital sûrement. Génial, c’était tellement utile de lui donner ce genre de choses, elle allait l’entendre la secrétaire médicale. Comment était-il censé faire quoique ce soit s’il ne savait pas le passé médical de sa jeune patiente ou rien que ses allergies médicamenteuses ? Il était bon pour tout reprendre.

Atchoum !

   Elle éternua pour la énième fois et soupira, agacée. Ça ne pouvait plus durer. Cela devait bien faire deux jours qu’elle avait des maux de têtes carabinés et une fièvre d’enfer. Elle ne pouvait pas se contenter d’attendre la fin de ce calvaire. Sortant péniblement de son lit, elle grinça des dents face à la raideur de ses muscles et s’habilla rapidement. Tant pis pour le maquillage, elle n’allait pas à un défilé de mode.
   Elle était littéralement lessivée. Du genre à s’emmêler les pieds et à trébucher dans la rue pourtant dégagée. En fait, elle s’était rarement sentie aussi mal. Interpellant le premier passant qui croisa son chemin, elle demanda rapidement la direction de l’hôpital. Celui-ci, empressé de se débarrasser d’elle et ses germes, lui indiqua vaguement de tourner deux fois à droite. Elle suivit ses conseils à la lettre et après une pénible marche, arriva devant l’imposant bâtiment. Là, c’était le chaos.
   Des patients de tout âge et en tout genre étaient affalés dans tous les recoins et le personnel médical semblait débordé. Elle se présenta à l’accueil et on lui refila un numéro en lui ordonnant d’attendre son tour. Sympa…
   Elle patienta pendant ce qu’il lui sembla être des heures, adossée contre l’un des murs du hall, luttant pour ne pas s’endormir. Finalement, elle aurait peut-être mieux fait de rester chez elle. Ce qu’elle ne donnerait pas pour une camomille bien chaude…
-  Numéro 133, Skyler Hopkins !
   Elle sursauta à l’entente de son nom et se leva difficilement. Se frayant un passage à travers la foule, elle réussit à rejoindre une femme rondelette et aux joues rouges d’avoir crié. Elle paraissait au bord de la crise de nerfs et Skyler préféra ne pas trop l’importuner. Elle n’était vraiment pas en état de se battre avec quelqu’un, qui plus est une infirmière à l’air passablement hystérique.
   Cette dernière la poussa négligemment dans un couloir et lui dit de se présenter à la dernière porte, à gauche. Elle s’exécuta sans rechigner et traîna des pieds jusqu’à ladite pièce où elle toqua faiblement.
   Un « entrez » sonore retentit et elle pénétra à l’intérieur où un jeune homme la fit asseoir sur une chaise. Lorsqu’il s’assit face à elle, elle écarquilla légèrement les yeux. C’était lui son médecin ? Il paraissait bien jeune et tout droit sortit d’une gravure de mode. Loin du profil affable des généralistes auxquels elle avait déjà eu affaire.

-   Alors, une j’imagine que c’est aussi une bonne grippe mademoiselle … Hopkins.

   Elle se frotta la nuque, embêtée. En réalité, elle n’avait jamais été réellement malade. C’était d’ailleurs étonnant que son gène de loup n’ait pas déjà vaincu l’épidémie. Même si elle ne l’avait jamais déclenché, celui-ci comportait habituellement quelques avantages… C’était frustrant et elle ne connaissait rien aux maladies.

-  Je pense oui…, fit-elle, hésitante.

   Elle allait lui faire confiance pour le diagnostic et se hâter d’avaler les médicaments qu’il lui prescrirait, ni plus ni moins. Etre humain pouvait être bien embêtant parfois. Elle espérait que ce dysfonctionnement ne s’éterniserait pas. Quitte à être « maudite », autant hérité des bons côtés qui allaient avec.

Le médecin avait eu un sourire en entendant une infirmière hurler après la prochaine patiente. Cette femme était méchante. Les hommes avaient souvent le fantasme de l’infirmière sexy qui venait s’occuper des patients avec tendresse, une belle bouche rouge aux dents blanches et qui faisait une prise de sang sensuellement et avec amour. Alors que cette femme était plutôt du genre à transformer une simple égratignure en profonde déchirure tellement elle manquait de douceur. Même Maxwell qui n’était pas particulièrement empathique plaignait les patients chez qui elle semait douleur et misère. C’était dire à quel point cette femme était une terreur.

Sa patiente était malade mais gardait un petit air mignon comme toutes les jeunes filles de son âge. Elles rêvaient de diner aux chandelles devant une belle bouteille d’alcool offerte par un prince charmant quelconque dont la beauté était parfaite. Et elles finissaient mortes bourrées en boîte avec un quelconque inconnu à l’haleine fétide et au visage dessiné par Picasso. L’innocence de la jeunesse féminine n’avait d’égal que celui des enfants trop cajolés par des parents soucieux d’être parfaits.

« Vous êtes la neuvième aujourd’hui. J’vais aussi finir au lit avec de la fièvre mais bon, il faut bien que certains se sacrifient. Dites-moi quels sont vos symptômes exactement, qu’on ne se trompe pas sur le diagnostic sous prétexte qu’on a une épidémie »

Ce serait fâcheux en effet et, Maxwell n’aimait pas se tromper, son orgueil ne lui permettait pas. Surtout que son métier était la seule chose normale dans sa journée. Le reste des heures était en partie consacrée à la dissection de vampires et d’un loup récemment. Il n’avait pas retouché aux loups depuis son dernier incident. La première des raisons était qu’il n’en avait pas trouvé mais, la principale était que cette race ne l’intéressait pas réellement dans ses recherches. Donc, il se concentrait sur ses amis à dents longues dont s’échappait une forte aura de puissance.

« Votre dossier est complètement vide, soit vous avez un ange gardien médecin qui vous protège de tout pépin de santé soit vous êtes nouvelle en ville. Je ne suis absolument pas curieux de votre vie, j’ai juste besoin de savoir si vous avez des allergies ou d’autres détails médicaux du style »

Skyler commençait à le trouver légèrement gonfler ce médecin. Séduisant mais arrogant. Pas surprenant. Les jeunes hommes mignons et modestes se faisaient rares. Des gars comme Tennessee par exemple. Elle soupira, elle avait l’impression d’être entrain de mourir et elle pensait avoir déjà assez attendu. Elle voulait bien une sorte de remède miracle. Immédiatement.

-  Si vous avez si peur de chopper la crève… Pourquoi ne portez-vous pas de masque ? demanda-t-elle, narquoise. Oh, si vous voulez vraiment tomber malade et manquer quelques jours de boulot je peux aussi vous éternuez à la figure, c’est gratuit pour les jolis docteurs.

   Les mots coulèrent hors de sa bouche sans qu’elle ne puisse les retenir. Elle était plus que prête à mettre cela sur le compte de la maladie. En effet, habituellement l’adolescente prenait toujours garde à endiguer son flot de paroles face à des inconnus. Elle devait avoir les neurones drôlement bousillées pour parler de la sorte au gars qui était supposé la soigner. Elle plaqua une main sur ses lèvres, horrifiée. Ce n’était pas très malin de provoquer celui qui pouvait tout aussi bien vous prescrire un laxatif que des antibiotiques.

-  Désolé, je n’ai pas l’habitude d’être aussi… faible, je suppose.

   Elle soupira et se frotta le front. Elle avait chaud, comme si son sang était littéralement en ébullition. Etait-ce normal de réagir autant à une simple grippe ? C’était affreux. Elle secoua la tête et reprit d’une voix plus douce.

-  Je ne suis jamais vraiment allé chez le médecin à vrai dire. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. C’est normal de suer autant ? Je veux dire, j’ai l’impression que je vais finir par fondre, c’est douloureux. Je ne crois même pas être allergique à quelque chose enfin, je ne sais pas. Je ne prends jamais de médicaments, non plus.

   Elle ferma brièvement les yeux et serra les dents. Sa vision se faisait trouble. Ce n’était pas normal. Quelque chose clochait. Elle n’avait jamais attrapé quoi que ce soit, pas même un petit rhume ! Dieu qu’elle se sentait mal…

-  Je ne sais pas qui m’arrive, vous ne pouvez pas me réparer ? Du genre maintenant ? Parce que je crois que je vais tourner de l’œil sur votre fauteuil…

Pourquoi Maxwell avait-il fait médecine ? Pour trouver un remède à la maladie qui empoisonnait sa famille sur trois générations. Moucher le nez des morveux ou prescrire des dafalgans ne l’intéressait pas le moins du monde mais, il fallait bien gagner sa vie pour se payer de quoi manger et rembourser le crédit de la maison. De plus, c’était dans sa nature d’être arrogant, ce qui ne plaisait pas du tout à sa jeune patiente mais ça, il n’allait pas tarder à le découvrir.

- Si vous avez si peur de chopper la crève… Pourquoi ne portez-vous pas de masque ? Oh, si vous voulez vraiment tomber malade et manquer quelques jours de boulot je peux aussi vous éternuez à la figure, c’est gratuit pour les jolis docteurs.

Si elle faisait ça, le médecin ne répondait plus de ses actes. Déjà, il n’avait pas peur à proprement parler. Deuxièmement, manquer quelques jours de boulot ne l’intéressait pas puisqu’il ne travaillait que très peu à l’hôpital, préférant être à son cabinet privé, bien au chaud chez lui. Mais, avant qu’il n’ait pu répondre, elle plaqua une main sur sa bouche comme surprise par ses propres mots. Maxwell voulait bien lui concéder que l’énervement, la fièvre et la maladie pouvait rendre les gens quelque peu irritables. Quant à lui, il l’était au naturel.


- Désolé, je n’ai pas l’habitude d’être aussi… faible, je suppose. Je ne suis jamais vraiment allé chez le médecin à vrai dire. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. C’est normal de suer autant ? Je veux dire, j’ai l’impression que je vais finir par fondre, c’est douloureux. Je ne crois même pas être allergique à quelque chose enfin, je ne sais pas. Je ne prends jamais de médicaments, non plus.

Oui, tout ceci ressemblait de plus en plus à une bonne grippe. Visiblement sa patiente avait une santé en béton mais, personne dans cette ville ne semblait résister à l’épidémie, à part ces buveurs de sang qui, de toute façon, n’étaient absolument jamais malades. La jeune fille n’avait vraiment pas l’air bien et, ce n’était pas nécessaire d’avoir fait médecine pour le constater. Sans doute était-ce une poussée de fièvre.

- Je ne sais pas qui m’arrive, vous ne pouvez pas me réparer ? Du genre maintenant ? Parce que je crois que je vais tourner de l’œil sur votre fauteuil…

Réparer … S’il était mécanicien, ça se saurait. Mais bon, il allait essayer de faire de son mieux. Malheureusement pour elle, c’était assez rare d’avoir des miracles instantanés dans la pharmacie. Maxwell se leva rapidement pour aller chercher un thermomètre pour lui donner.

« A vue d’œil ce sont des fortes fièvres que vous avez mais, c’est normal, c’est la preuve que votre corps se défend »

Ça, c’était le discours traditionnel. Il était obligé de le sortir pour expliquer un peu les choses et aussi rassurer sa patiente. Quand le thermomètre bipa, il le récupéra et ne fut pas surpris de voir un 40°C affiché.

« Votre fièvre est juste un peu trop élevée. Pour la faire baisser, rentrez chez vous et prenez un bon bain, ça fera baisser la température de votre corps et vous aidera à vous détendre. Je vais aussi vous prescrire des médicaments. Mais, prenez du repos. Si vous avez un job appelez votre patron, si vous êtes en cours, restez chez vous. »

Oui, puis c’était inutile de contaminer toute la ville et plus particulièrement les jolis docteurs. En faisant ses ordonnances, il lui demanda :

« Vous avez quelqu’un pour venir vous chercher ? »